Les saisons de nos ancêtres étaient rythmées par quatre fêtes prenant chacune place à la pleine lune à mi-chemin entre les équinoxes et les solstices.
On inscrit parfois ces rituels au sein de la tradition celtique, mais dans leur fond, ces fêtes remontent à une culture animiste bien plus ancienne. Par la suite, elles s’assimilèrent avec plus ou moins de bonheur à la tradition chrétienne hégémonique. En été (cette année le 7 août), on célébrait la fête placée sous le patronage du dieu/héros Lug, Dieu de la guerre et des arts, selon la culture celtique dominante de l’âge du fer. Elle était alors devenue la fête des récoltes, ce qui lui a souvent permis de survivre en contexte chrétien, mais ses origines précèdent de beaucoup l’agriculture, la société de castes et le polythéisme.
Les éléments archaïques de son rituel montrent que ce sont les baies sauvages estivales, telles les myrtilles, qui étaient primitivement célébrées — à côté des sources et des montagnes où l’on se rendait en pèlerinage. Et la mythologie irlandaise suggère que le culte agraire de Lug a ici pris la place de celui d’une plus ancienne figure maternelle chtonienne de la nature mourante mais encore généreuse.
Quelle peut-être la signification aujourd’hui d’une telle fête ou même de ses vestiges ? Les cultures et les sociétés qui la portaient sont mortes depuis longtemps. Il n’y a plus de continuité vivante avec les récits communautaires qui transmettaient ce cycle. La nature nourricière est totalement domestiquée, détruite ou trop éloignée de notre réalité. L’agriculture anéantit l’écosystème.
Le cycle lunaire oublié. Nous ne vivons même plus à proprement parler dans une vraie société. Le monde humain est atomisé, déculturé, uniformisé à l’aune de besoins de survies immédiats…
Retrouver des rites qui rythment nos vies et le cycle de l’année est une nécessité vitale. Mais nous nous heurtons ici aux mêmes difficultés que l’on rencontre lorsque nous cherchons à retrouver une alimentation saine ou des mouvements corporels fonctionnels. Nous vivons dans un monde où ces choses sont quasiment anéanties, sinon positivement proscrites. On nous enjoint de dévorer des calories d’origine industrielle, nous passons la moitié de notre vie assis, nous sommes enfermés dans le ciment, l’acier, le verre et l’asphalte, nous ne dormons pas assez… Et nous n’avons guère souvent le choix. Comment revivre de nos rites cycliques alors qu’il n’y a plus de cycle naturel ni même de « nous » collectif dont les rites devraient être le reflet ?
C’est pourquoi la résurrection artificielle de ces rites s’apparente en général au tourisme folklorique individuel ou encore à la satisfaction esthétique romantique. Préservons donc tout ce qui peut encore par miracle subsister de cet héritage, oui, mais insistons surtout sur les expériences fondamentales qui le constituent. Celles-ci sont encore accessibles tant que nous vivons. Si nous parvenions déjà à ressentir ce besoin de ne plus toujours être séparés de nos proches, si nous faisions l’expérience de l’appartenance aux divers cycles de la vie, les bases d’une construction future serait au moins présentes.
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